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La pièce sélectionnée est le mémoire d'Antoine Janot (1700-1778), teinturier de Saint-Chinian, daté du 31 mai 1744. Spécialisé dans la teinture des Londrins Seconds, type de drap de laine fin destiné à l'exportation vers l'Empire ottoman, l'auteur y expose ses procédés de teinture pour obtenir 65 nuances de couleurs. Deux autres mémoires de Janot sont également conservés aux Archives départementales de l'Hérault (C 2150 et C 2238). Ce premier mémoire, exceptionnel, a été rédigé par Janot et envoyé à l'Intendant du Roi en Languedoc, dans un contexte où un de ses draps teints a été saisi et où il a été mis en cause en tant que teinturier de grand teint (voir bibliographie). Il est également une source de connaissance des noms de couleurs : aile de Corbeau, bleu turquin, bleu de Roi, bleu céleste, bleu de ciel, bleu d'azur, bleu mignon, vert d'herbe, vert émeraud, gris de fer, vert de chou, vert perroquet, olive, taupe, vert de mer, jaune soufré, jaune paille, jaune doré....

Le titre complet du manuscrit d'Antoine Janot donne l'idée de son contenu : Mémoire - On trouvera les opérations de la teinture du grand et bon teint des couleurs qui se consomment en Levant avec la quantité et qualité des drogues qui les composent. Ce recueil exceptionnel de recettes, illustrées de 59 échantillons, est organisé dans l'ordre des opérations techniques permettant d'obtenir toutes les gammes de coloris de grand teint. Le mémoire débute avec les bleus (cuve de pastel renforcée à l'indigo), dont les différents degrés servent en outre de "pied" pour des couleurs composées. Viennent ensuite les autres couleurs, qui nécessitent un mordançage, appelé "bouillon" au XVIIIe siècle. Janot utilise l'alun et le tartre pour les verts, jaunes, bruns, rouges, violets et roses ; l'engallage (tanins) pour les gris ; l'étain pour les rouges et orangés à la cochenille. Janot clot son mémoire par une recette de noir. Mis en cause en tant que teinturier de grand teint, Antoine Janot est particulièrement attentif à montrer, dans ce mémoire, sa conformité aux règlements royaux de la teinture, notamment par l'emploi de matières colorantes autorisées (pastel, garance, gaude...) ; il utilise toutefois aussi du fustet, reconnu comme "petit teint". Ce mémoire est en outre précis : il donne les pourcentages de mordants à utiliser selon l'intensité souhaitée, ainsi que les temps et températures de chaque étape.